On le sait: la confiance est le socle d’une équipe performante et l’élément qui précède la collaboration. Suffirait-il dès lors, pour un(e) chef(fe), d’être droit/e et honnête, de ne pas faire trop de bêtises pour boucler l’affaire ? Que nenni !
Mais alors, comment s’y prendre ? D’autant que si on suit les préceptes de Stephen Covey, inutile de travailler sur un objectif qui ne soit pas dans notre sphère de contrôle … Et bad news pour ceux qui ne l’ont pas encore compris: on n’a pas le contrôle sur les autres … et encore moins sur la confiance qu’ils placent en nous.
Heureusement, les anthropologues et psychologues sont sur l’affaire depuis les années 70 … En voici le nectar, que nous avons construit en une stratégie en 3 étapes:
1ère étape: montrer sa propre vulnérabilité …
sic … Y’a encore quelqu’un ???
Les experts (Mayer et al) ont défini la confiance comme l’intention d’une personne d’être vulnérable par rapport à l’action de quelqu’un d’autre, sur la base de la croyance que l’autre partie va réaliser une action particulière, importante pour celui qui accorde sa confiance, sans que le premier puisse surveiller ou contrôler l’autre partie.
Montrer sa vulnérabilité, oser tomber le masque est un signe ultime de confiance: dès l’instant où je montre une faille, une fragilité, que j’ai une limite à atteindre un objectif, je reconnais que l’autre dispose de ressources qui sont utiles à atteindre l’objectif. Du coup, cet autre portera spontanément un jugement plutôt positif en retour et nous octroiera donc sa confiance.
Concrètement ? Je ne peux que partager un exemple récent d’une amie qui vient d’accepter la présidence d’un groupement prestigieux … (elle se reconnaîtra). Elle a construit son discours inaugural autour de son histoire d’enfance, en y intégrant ses espoirs, ses doutes, ses déceptions, ses blessures, ses traumas. Sans en faire un film, sans en rajouter. Elle a juste partagé: d’où elle vient, où elle va, ce qu’elle a ressenti et ce qu’elle ressent encore parfois. Chers lecteurs, elle a placé la barre très haut au niveau confiance. Je suis certaine qu’elle pourra trouver dans ce groupe des collaborations fructueuses et fluides.
2ème étape: se montrer digne de confiance
Les anthropologues qui ont étudié les relations à l’information, démontrent que peu d’information ou une mauvaise information nous mène à l’incertitude et nous empêche d’évaluer si un partenaire est « fiable » ou non (car sachez-le, notre cerveau reptilien recherche cette info en priorité et tranche en 300 millisecondes – Etcoff NL, Stock S, Haley LE, Vickery SA, House DM (2011) ). Communiquer des informations, même désagréables, à ceux qui nous ont octroyé leur confiance, permettra d’avancer dans un contexte d’incertitude, de prendre des risques, voir de favoriser la création de nouvelles idées ou solutions.
Au-delà de l’information transparente, la confiance repose sur trois paramètres: la bienveillance (je cherche à satisfaire l’intérêt de l’autre), l’intégrité et la compétence.
Communiquons ce sur quoi nous sommes compétents et sur quoi nous ne le sommes pas nous permet de faire d’une pierre deux coups: non seulement notre transparence accroît la confiance de l’autre, et en plus, on valorise du coup la compétence des autres …
Et concrètement ? Un petit outil sympa: lors d’une ronde d’ouverture (petit tour de table notamment en sociocratie, dans lequel chacun est invité à s’exprimer en toute authenticité, avant de rentrer dans le sujet de la réunion), exprimez vos forces et aussi vos vrais défis personnels (là où vous devez vous améliorer). Ou encore, parlez d’un souvenir d’enfance. J’ai mené une réunion récemment où nous avons parlé de notre meilleur souvenir de la galette des rois … ce que nous avons vu, ressenti, etc … Nous voir les uns les autres sans masque, avec les émotions agréables et parfois plus tristounettes, nous a permis de nous voir différemment, de nous reconnecter à qui nous sommes, et de nous connecter les uns aux autres au profit de l’objectif.
3ème étape: Instaurer la sécurité psychologique
Amy Edmonson, éminente professeure de leadership à Harvard (que je ne connaissais pourtant pas avant de travailler avec Anne Lemaire sur le sujet de la confiance justement), a mené des recherches dans les années 90 sur les équipes performantes et leur gestion des erreurs. Contre toute attente, les meilleures équipes (les plus performantes, les plus innovantes et les plus agiles) sont celles où un climat de sécurité psychologique était instauré. Et donc, pas celles dans lesquelles les erreurs étaient peu nombreuses, mais celles où on osait parler de toutes les erreurs). Dans ces équipes, les collègues savent que s’ils partagent une erreur, se trompent, posent une question, … les autres ne vont pas les ridiculiser, ni les rejeter ou pire encore, les punir …
Concrètement, je fais quoi ? Je propose des règles du jeu:
- Il est nécessaire voir recommandé de demander de l’aide si on en a besoin et de ne pas voler au secours de quelqu’un qui ne le demande pas.Chacun est donc responsable pour lui-même.
- On reste positif: il est nécessaire de parler des erreurs et de pouvoir y réfléchir ensemble. On se réjouit des objections, ou idées minoritaires, qui souvent, contiennent des risques ou des écueils que le groupe n’avait pas perçu. Enfin, on ose le conflit … car il permet à chacun de prendre soin de soi, et de ne pas s’éteindre au profit du groupe.
- On prend soin de son comportement verbal et non-verbal: pas de froncement de sourcils, de rires aux éclats en réponse à une question innocente, et encore moins de jugements (ils restent intériorisés) ou d’insultes.
- On ne débat pas. On construit ensemble et on se met à la disposition de l’objectif que nous poursuivons en groupe.
C’est drôle … on dirait des règles de sociocratie … Et pourtant, je viens de terminer (snif) l’accompagnement d’un groupe de généralistes RH … ce groupe remplit de personnes très différentes, aux parcours et donc succès et blessures bien différents, a réussi en quelques semaines à instaurer seul ce code … Spontanément, ce groupe favorisait ces règles et écartait le non-respect de cela. Je n’ai fait que mettre des mots sur leurs règles tacites pour leur faire découvrir les outils de la sociocratie. Tout était déjà là. Et ce groupe a réussi haut la main le parcours qui leur était proposé, sans laisser personne de côté, et en prestant de manière plus élevée que tout autre groupe similaire (d’ailleurs, si vous vous reconnaissez, encore bravo).
Testez. Laissez tomber les masques, les épreuves force, les tours de passe passe. Si vous voulez conquérir le coeur de vos équipes, montrez de temps en temps des doutes, de temps en temps des peurs, et pourquoi pas des limites personnelles … Vous retrouverez des réponses et des certitudes au centuple.
Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière.
Michel Audiard